LA GARANTIE DES VICES CACHES S’APPLIQUE-T-ELLE ENTRE PROFESSIONNELS ?

L’article 1641 du Code civil dispose que « le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ».

Le législateur n’a précisé aucune restriction afférente à la qualité du vendeur ou de l’acquéreur, ce qui laisse à penser que la garantie des vices cachés s’applique de façon identique, quelle que soit ces qualités.

Or, la jurisprudence est venue préciser des distinctions de régimes en fonction de la qualité de professionnel ou non du bénéficiaire de la garantie.

Avant de les évoquer (B), notre équipe vous propose un récapitulatif des conditions d’existence de la garantie des vices cachés (A).

A / Conditions d’existence de la garantie des vices cachés

1 / Une vente

La garantie des vices cachés s’applique à un bien ayant été vendu, de sorte qu’un contrat de vente doit préexister. Elle ne peut donc pas être invoquée si la chose a fait l’objet d’une prestation de services exécutée en vertu d’un contrat d’entreprise, excepté si le prestataire (également fournisseur de bien) a expressément accepté d’accorder cette garantie.

La garantie des vices cachés s’applique quelle que soit la nature de la chose vendue (biens divers, d’occasion ou neufs) et que le vendeur soit professionnel ou non.

2 / Un bien impropre à son usage

Le vice découvert doit rendre le bien impropre à l’usage auquel l’acquéreur la destine, ou diminuer tellement cet usage qu’il ne l’aurait pas acquise ou en aurait donné un moindre prix s’il l’avait connu. Il ne doit donc pas s’agir d’un simple défaut pouvant être rapidement solutionné.

La charge de la preuve de l’usage prévu ainsi que de l’impossibilité d’usage et les effets du vice sur cet usage sont mis à la charge de l’acheteur.

Si le vendeur avait connaissance de la destination du bien et que ce bien se révèle ensuite impropre à cet usage, la garantie des vices cachés s’applique. En revanche, dès lors qu’aucune preuve de la destination souhaitée par l’acquéreur n’est apportée par ce dernier et que cette destination est hors norme, la garantie des vices cachés n’est pas applicable.

Lorsque les parties ne sont pas convenues de l’usage du bien vendu, les tribunaux apprécient souverainement si le bien est propre à son usage normal et habituel.

Il est donc impératif de stipuler expressément au contrat de vente l’usage souhaité pour le bien acquis dans l’hypothèse où cet usage serait hors normes.

3 / Un vice caché

Le vice ne doit pas être apparent. Il doit exister avant la vente et être ignoré de l’acquéreur au moment de la cession.

Le caractère caché du vice est apprécié différemment selon que l’acquéreur est un professionnel ou non. C’est donc en cela que la distinction de régimes annoncée précédemment s’opère en fonction de la qualité de l’acquéreur.

B / La différence d’appréciation du caractère caché du vice selon la qualité de l’acquéreur

1 / Pour un acquéreur non professionnel

Lorsque l’acquéreur est un non professionnel, il est de jurisprudence constante de considérer que le défaut que présente la chose est caché si l’acquéreur a pu légitimement en ignorer l’existence au jour de la vente, et à condition qu’il ait au moins porté à l’examen de la chose l’attention qu’aurait montrée une personne normalement soucieuse de ses intérêts, mais dépourvue d’une spécialisation technique poussée.

Pour exemple, il a déjà été considéré que le vice caché était établi pour un vendeur qui avait accepté de restituer le prix et de récupérer le bien vendu, car sa réaction aurait été autre s’il avait été convaincu que la chose était en parfait état lors de la vente.

Il en va de même pour un vendeur qui accepte d’apporter des réparations essentielles au fonctionnement de la chose. C’est pourquoi un vendeur se doit d’être très vigilant dans le traitement des réclamations.

2 / Pour un acquéreur professionnel

Lorsque l’acquéreur est un professionnel, il bénéficie d’une protection bien moindre car la jurisprudence a instauré des présomptions défavorables à ses intérêts.

D’une part, l’acquéreur professionnel de la même spécialité que le vendeur ne peut invoquer l’existence d’un vice caché car, en raison de ses connaissances, il est censé l’avoir découvert ou l’avoir mesuré.

L’acheteur est présumé de la même spécialité que le vendeur lorsqu’il exerce une activité de nature à lui procurer des connaissances professionnelles comparables à celles du vendeur. La dénomination de l’activité ou de la profession exercée n’est donc pas déterminante. Pour exemple, un transporteur poids lourds pourrait être considéré comme n’exerçant pas la même activité qu’un garagiste, et ainsi ne pas connaître les subtilités mécaniques de ses véhicules. Ou encore, un marchand de biens pourrait être considéré comme n’ayant pas la même activité qu’un plombier si un vice sur les canalisations devait apparaître postérieurement à une vente immobilière.

Il ressort de ce qui précède que la garantie des vices cachés diffère en fonction des faits et des acteurs.

La jurisprudence actuelle tend néanmoins à se durcir à l’encontre des professionnels dont on élargit souvent les domaines de compétence, même artificiellement.

C’est pourquoi, il peut s’avérer très utile d’anticiper et d’encadrer les rapports contractuels en amont lorsque cela est possible. Pour exemple, des cocontractants professionnels peuvent prévoir une clause d’exclusion de garantie, ou un renforcement de garantie des vices cachés.

Le Cabinet 3ème acte vous propose ses services pour vous accompagner, aussi bien dans vos négociations contractuelles que dans vos contentieux liés aux vices cachés, en matière mobilière et immobilière.