LA PROTECTION DU DROIT MORAL DE L’AUTEUR EN MATIERE D’EDITION

L’article L.132-1 du Code de la propriété intellectuelle définit le contrat d’édition comme « le contrat par lequel l’auteur d’une œuvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’œuvre, à charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion ».

Cette définition confère clairement au contrat d’édition le caractère d’un contrat de cession de droits d’auteur, laquelle cession peut être plus ou moins étendue en fonction des négociations ayant lieu entre l’auteur et l’éditeur.

En tout état de cause, un tel contrat d’édition met à la charge de l’auteur des obligations légales telles que la garantie d’un exercice paisible du droit cédé, mais contraint également l’éditeur à respecter certaines prescriptions légales.

Parmi ces dernières, figure l’obligation au respect du droit moral de l’auteur, lequel se subdivise en quatre attributs, comme suit :

  • le droit à la paternité de l’œuvre,

  • le droit au respect (ou à l’intégrité) de l’œuvre,

  • le droit de divulgation de l’œuvre,

  • le droit de repentir et de retrait de l’œuvre.

En matière d’édition, le droit à la paternité (I) et le droit au respect de l’œuvre (II) sont sources de multiples contentieux.

I / L’obligation de respect de la paternité de l’œuvre mise à la charge de l’éditeur

En principe, l’éditeur doit faire figurer sur chacun des exemplaires de l’œuvre le nom, le pseudonyme ou la marque de l’auteur. Cette obligation est prescrite par l’article L. 132-11 du Code de la propriété intellectuelle.

Ainsi, la mention du nom de l’auteur est une obligation fondamentale liée au respect de son droit à la paternité.

Les parties peuvent toutefois déroger à ce principe par contrat stipulant que le nom de l’auteur ne sera pas mentionné (par exemple pour conserver l’anonymat).

Les aménagements contractuels peuvent également contribuer à renforcer la protection des droits d’auteur en prévoyant l’indication de certaines mentions particulières, pour exemple : des sous-titres de ce dernier. Souvent, les titres font l’objet d’une protection à part entière.

L’obligation de mentionner le nom de l’auteur peut prendre une forme différente selon la nature de l’œuvre. Le nom de l’auteur peut, pour exemple, être indiqué sur la couverture, ce qui est l’usage, même dans le cas d’une œuvre de collaboration dont les coauteurs doivent en principe être traités de la même façon.

Dans le cas d’un livre correspondant à une œuvre collective, les noms des membres de l’équipe qui ont participé à sa création sont en général mentionnés dans une page intérieure de l’ouvrage, seuls les auteurs ayant assuré une fonction de coordination d’ensemble pouvant figurer en couverture

Lorsque les œuvres reproduites sont des illustrations préexistantes, telles que des œuvres d’arts plastiques ou des photographies, la mention du nom des auteurs doit, à tout le moins, permettre l’identification de l’auteur.

L’omission du nom de l’auteur constitue une atteinte au droit moral qui oblige l’éditeur à réparer le préjudice subi et peut entraîner l’interdiction de toute diffusion de l’ouvrage litigieux, contraignant l’éditeur à modifier la présentation de celui-ci pour y porter mention du nom de l’auteur.

La pratique connaît cependant l’exception admise des individus qui écrivent un ouvrage mais ne sont pas mentionnés comme auteur, seule la personne au nom de qui le livre a été écrit ayant cette qualité aux yeux du public.

Dans ce cas, il est possible de stipuler une clause d’anonymat dans le contrat liant l’auteur véritable à l’éditeur, laquelle est admise par la jurisprudence dès lors qu’elle est acceptée par l’auteur véritable dans l’exercice de son droit moral.

Toutefois, l’auteur supposé et l’éditeur doivent être mis en garde sur le fait qu’une telle clause ne peut constituer une renonciation définitive aux prérogatives de l’auteur véritable, lequel aura toujours la faculté de révoquer la clause d’anonymat et de revendiquer la paternité de son œuvre.

Enfin, lorsqu’un auteur choisit de publier son œuvre sous un pseudonyme, l’éditeur doit respecter cette volonté et ne peut pas révéler au public l’identité de l’auteur sans l’accord de ce dernier ou de ses ayants droit le cas échéant.

II / L’obligation de respect de l’intégrité de l’œuvre mise à la charge de l’éditeur

En vertu de l’article L.132-11 du Code de la propriété intellectuelle, l’éditeur ne peut apporter aucune modification à l’œuvre sans autorisation expresse de l’auteur.

En effet, l’éditeur doit respecter l’intégrité de l’œuvre dont il s’engage à assurer l’exploitation.

Pour exemple en matière littéraire, c’est l’une des raisons pour lesquelles l’auteur doit pouvoir vérifier la conformité de l’œuvre imprimée au manuscrit et aux corrections apportées au moment de la lecture des épreuves. Pour ce faire, l’auteur donne son « bon à tirer » préalablement à l’impression des exemplaires. Ce « bon à tirer » fixe le texte sur lequel l’éditeur ne saurait apporter aucune correction postérieure autre que de pure forme pour le respect des usages et la suppression d’erreurs éventuelles.

L’éditeur ne peut donc apporter de retouches à l’ouvrage, que ce soit par ajout ou retrait dès lors qu’il a pris l’engagement de le publier, ne serait-ce au motif que son contenu serait susceptible d’engager sa responsabilité.

Dans un tel cas, l’éditeur peut solliciter l’autorisation de procéder aux modifications auprès de l’auteur, ou demander au tribunal compétent l’annulation du contrat.

A défaut du respect des règles précitées, l’éditeur engage sa responsabilité vis-à-vis de l’auteur et le contrat d’édition peut être résilié par sa faute, ce qui est susceptible d’entraîner le versement d’une indemnité en cas de préjudice souffert par l’auteur.

Il en va de même en matière d’art plastique ou de photographies. Pour exemple, si l’éditeur décide de supprimer une partie de photographie ou de réduire le format de l’œuvre dans des conditions techniques inadaptées, les juges pourraient considérer que ceci constitue une atteinte au droit moral de l’auteur.

Contrairement aux droits patrimoniaux de l’auteur, son droit moral est perpétuel, inaliénable et imprescriptible, ce qui dénote une volonté de protection accrue de la part du législateur, et constitue un moyen efficace de faire valoir ses droits pour l’auteur.

L’auteur français est très bien protégé, sans qu’il n’ait besoin de rien prévoir (…d’autre que de prouver sa paternité).

C’est pourquoi, de son côté, l’éditeur, et plus largement le cessionnaire de droits patrimoniaux, se doit d’être vigilant.

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